La neutralité introuvable

Peut-on être neutre dans une partie du monde en ébullition permanente ?

Une carte modifiée du Levant circule sur la toile à chaque fois que le débat sur la neutralité est ouvert. On y voit le Liban détaché de ses voisins pour n'être plus qu'une île. L'image est plaisante on a presque envie d'y croire . Mais le Liban n'est pas une île.

Alors la neutralité du pays serait donc impossible ? Utopique ?

Loin s'en faut, le destin des peuples depend avant tout de ces mêmes peuples. Il n'y a pas de fatalités en politique juste des renoncements.

A bien y regarder d'ailleurs, si le Liban ne manque pas de rappeler, que l'Israel est l'ennemi, il reste que l'Etat en tant que tel, ne s'est pas engagé par choix national dans les autres conflits régionaux; il y a été entraîné par l'une de ses composantes.

Quelle était la position officielle du Liban à l égard des conflits en Syrie, en Irak , au Yemen, à Bahreïn...? La diplomatie libanaise est restée longtemps assez évasive à leur égard. 

Néanmoins le President actuel a donné la caution de l'Etat aux armes du Hezbollah engageant le pays politiquement dans chacun de ces rapports de force Moyen-Orientaux. Avec Monsieur Bassil aux commandes du ministère des affaires étrangères, il y eut aussi des déclarations déplacées et des silences malencontreux. C'est donc pour satisfaire le Hezbollah faiseur de Presidents que le pays s'est retrouvé partie prenante dans des conflits qui lui sont étrangers. La neutralité n'a donc pas été écartée pour satisfaire à l'intérêt général mais aux calculs politiques internes.

Le Liban en tant qu'Etat n'a donc pas choisi d'être neutre ou engagé, il a subit et s'est laissé entraîner bien malgré lui dans les conflits que lui impose l'une ou l'autre de ses composantes.

Le conflit syrien en est un exemple éloquent. Au début de la révolution, une partie des libanais se déclarait avec force aux côtés du peuple syrien et prétendait vouloir lui venir en aide. On se souviendra du mauvais accueil qui avait été réservé à l'époque, par les autres tenants du 14 mars, à la mise en garde lancée par Amin Gemayel contre une implication dans le conflit syrien.

Le Hezbollah a commencé par prôner la distanciation sauf que quelques jours après la déclaration de Baabda à laquelle il avait adhéré , il a été convoqué par ses commanditaires et s'est vu fermement invité à prêter main forte à l'armée du régime qui commençait à perdre pieds. La déclaration de Baabda a volé en éclat.

Les pro et anti distanciation basculaient donc de camps dans ce qui aurait pu être un chapitre de "1984" le célèbre livre de Georges Orwell. 

En fait le plus dur n'est pas tant de consacrer la neutralité du Liban que de faire cesser les allégeances de ses composantes à des pays étrangers.

Les pays qui veulent conclure des accords militaires pour avoir les forces armées libanaises à leur côté en cas de danger ne se bousculent pas au portillon . En revanche, il y a foule pour ce qui est d'instrumentaliser les composantes libanaises.

Si le Hezbollah se mêle de ce qui n'aurait pas dû le regarder ça n'est pas parce que le Liban n'est pas neutre. Si le Liban se trouve pris dans la nasse syrienne ça n'est pas parce qu'il y a choisi un camps mais parce que par son action le Hezbollah l'y a impliqué.

Alors pour que le Liban puisse acquérir le statut de pays neutre il doit commencer par obtenir, que ses composantes cessent de faire allégeance à des puissances étrangères.  Il s'agit là d'ailleurs d'une éxigence constitutionnelle avec ou sans neutralité.

La neutralité du Liban est une nécessité. Le pays a payé très cher à chaque fois son implication dans les conflits de la région. Mais si la neutralité demeure à ce jour introuvable c'est peut-être parce que l'on cherche au mauvais endroit.

 

Liberum