Assassinat de Lokman Slim: des experts de l'ONU appellent à une enquête "indépendante et impartiale"

Plus d'un mois et demi après l'assassinat de l'intellectuel libanais Lokman Slim, des experts indépendants des droits de l'homme aux Nations unies ont appelé les autorités libanaises à mener une enquête "indépendante et impartiale" sur cette affaire "afin de dissiper tous les doutes" concernant l'intégrité du système judiciaire.

Dans un communiqué, ces experts, parmi lesquels la Rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard, ont appelé le gouvernement libanais à garantir qu'une enquête "crédible et efficace" soit menée. Ils ont déploré que les "mesures d'investigation" menées au niveau national "n'ont pas encore eu de résultats significatifs", ce qui "suscite des inquiétudes concernant l'efficacité de l'enquête".

L'exécutif doit "mettre immédiatement en œuvre des mesures afin de garantir l'indépendance et l'impartialité de l'enquête et de s'assurer que les responsables sont identifiés et traduits en justice. Cela est essentiel pour bâtir la confiance dans le système judiciaire national, avant qu'elle ne soit irrémédiablement compromise", ont ajouté les experts. Ils appellent les autorités libanaises à "envisager de demander une aide technique internationale" dans cette affaire. 

Il faut "mettre un terme à l'impunité actuelle", ont-ils plaidé, demandant la création d'une commission "indépendante et impartiale afin d'enquêter sur les échecs des enquêtes précédentes sur les assassinats de défenseurs des droits humains, activistes et politiciens" et à faire appel à des experts internationaux afin de les conseiller sur les affaires d'assassinats politiques. 

 

Violation du droit à la vie
Lokman Slim avait été retrouvé mort assassiné le 3 février au Liban-Sud après avoir été porté disparu depuis la veille au soir, lorsqu’il avait quitté le domicile de l’un de ses amis dans le village de Niha. Sa famille avait perdu tout contact avec lui. Son corps atteint de plusieurs balles, dont trois à la tête, avait été retrouvé dans une voiture de location, près de la localité de Touffahta dans le caza de Zahrani, une région contrôlée par le Hezbollah. Opposant notoire au parti chiite, il avait reçu à plusieurs reprises des menaces et avait déclaré avant sa mort que, s'il était un jour assassiné, tout le monde saurait qui est le coupable.

A ce sujet, les experts onusiens ont regretté le manque de mesures prises par l'Etat pour assurer la protection de Lokman Slim face à ces menaces. "Ce manquement pourrait engager la responsabilité des autorités pour violation du droit à la vie". "Nous appelons le gouvernement à assurer la protection de toutes les personnes qui pourraient actuellement être à risque ou victimes de violence en raison de leur travail ou de leurs opinions". 

Relevant que l'assassinat de Lokman Slim "semble lié à son engagement civique", le groupe d'experts dénonce "la hausse d'arrestations, intimidations, menaces et violences contre les défenseurs des droits humains, les journalistes et activistes" au Liban.

"Nous sommes profondément inquiets face au fait que le meurtre de M. Slim, si aucun compte n'est réclamé, pourrait avoir un effet paralysant sur la liberté d'expression" dans le pays, ont-ils ajouté. Ils ont encore invité à "enquêter de manière approfondie sur toute relation éventuelle entre l'explosion (du 4 août 2020, ndlr) et l'assassinat", rappelant que le cinéaste et éditeur avait à plusieurs reprises pris à partie les autorités sur les raisons pour lesquelles le nitrate d'ammonium, à l'origine de la déflagration, était arrivé à Beyrouth et par quels moyens. De nombreux observateurs lient la présence de ces produits chimiques au Hezbollah et au régime syrien.